Courrier de Mr Archimbaud, Garant de la Concertation sur la révision du Plu

Jacques Archimbaud; Garant de la Concertation sur la révision du Plu
à Monsieur le Maire de Saillans.

Depuis mon domicile, le 05 février 2019

Monsieur le Maire,

Le rapport que j’ai rédigé comme garant de la procédure de révision du Plu de votre commune a été présenté en décembre 2018 devant la Commission Nationale du Débat Public qui l’a approuvé. Elle a confirmé ma mission jusqu’à l’adoption finale du PLU par votre conseil municipal. Je tiens à nouveau à vous remercier pour la disponibilité de votre équipe et la façon dont vous avez facilité l’exercice de ma mission.
Depuis cette présentation, le groupe de pilotage citoyen s’est réuni et le conseil municipal a adopté le texte du PADD, faisant entrer le processus dans une phase décisive d’approfondissement. Le document, très riche, fixe des orientations claires qui vont maintenant être déclinées de façon opérationnelle et règlementaire.
Cette adoption, l’examen attentif du calendrier à venir, des critiques sur mon rapport faites par au moins quatre personnes habitant Saillans, m’amènent aujourd’hui à formuler plusieurs observations et remarques complémentaires. Conformément à ma mission, il s’agit pour moi de conforter la confiance des citoyens dans le processus en cours et de renforcer leur participation dans la dernière ligne droite.

Sur la méthode :

– J’invite l’équipe d’animation du dispositif à une rédaction plus précise des comptes rendus des réunions ou des initiatives, tout particulièrement dans le cas de celles qui sont ouvertes à tous les habitants. Lorsqu’ apparaissent des controverses, des observations ou des critiques, je pense utile d’en indiquer la teneur, de mentionner, si celles-ci sont d’accord, le nom des personnes qui se sont exprimées et les arguments qui ont été échangés et le cas échéant si un point d’accord a pu être trouvé sur les points soulevés. Si vous estimez que la présentation de ces échanges risquerait d’occuper une place trop importante, vous pouvez annexer un document qui en rend compte. Une solution pourrait être en outre d’enregistrer les débats sur des supports légers et peu coûteux, de façon à en conserver une trace indiscutable.

– Lorsqu’une personne interpelle publiquement par écrit la municipalité, il est souhaitable que celle-ci réponde dans un délai court sur le même support où elle a été interpellée.

– Dans les réunions ouvertes aux habitants, il est normal que soient rappelées en début les étapes précédentes du processus. Mais ce rappel ne peut pas occuper une place telle que le temps d’échange sur les points inscrits à l’ordre du jour soit réduit à moins des deux tiers de la réunion elle-même . Sans qu’une règle ne soit formellement établie, on peut considérer par ailleurs qu’une réunion est équitable lorsque le temps de parole des habitants est au moins équivalent à celui du total des animateurs, des élus, et du bureau d’études.

– Toujours dans ces réunions, et même si l’animateur peut formuler sur ce point des recommandations, il est important que l’affectation des personnes en ateliers s’effectue sur le mode du volontariat.

– Les documents projetés lors des réunions (graphiques, powerpoints) semblent à certains participants trop petits et difficilement lisibles.

Sur les modalités de la concertation

– Un principe fort du débat public est la pluralité de l’expertise. Nous ne sommes pas strictement dans le cadre d’un débat public et les coûts de la pluralité rendent l’exercice difficile pour une commune qui fait déjà un gros effort budgétaire. Mais il est toujours préférable que les habitants aient à leur disposition plusieurs sources pour se prononcer. Dans le cadre des échanges sur l’habitat mobile, les personnes que vous avez sollicitées pour introduire le sujet étaient légitimes à intervenir d’autant qu’elles sont domiciliées pour certaines sur la commune. Mais la séance aurait probablement bénéficié d’un surcroît de légitimité si des points de vue opposés avaient pu être sollicités ou si un retour d’expérience provenant d’autres communes avait pu être présenté.

– Compte tenu du fait que les membres du groupe de pilotage citoyen sont fort mobilisés pour l’exercice de leur mission, très complexe, ils semblent avoir peu de temps pour participer aux rencontres impliquant tous les habitants. Deux critiques ont donc été formulées à partir de là :

• La première porte sur le risque d’une certaine coupure de ce groupe avec les habitants : leur jugement serait orienté puisqu’ils ne recevraient leurs informations que du bureau d’étude, des élus ou des animateurs du dispositif, ceux-ci étant considérés à tort ou à raison comme parties prenantes non neutres dans la concertation.
• La seconde critique suggère que les habitants « ordinaires » ne disposeraient pas de moments suffisants pour donner leur opinion non pas sur un aspect ou un thème du projet (comme de nombreux ateliers le rendent possible), mais sur sa globalité et cela dans le cadre d’assemblées ouvertes à toute la population. Elle s’appuie aussi sur l’argument que les textes seraient mouvants, qu’ils changeraient souvent et qu’il serait difficile d’avoir une vue des résultats d’ensemble de la démarche à certains moments clefs. Elle défend l’idée que le temps consacré aux première étapes préparatoires (Choix de la méthode, diagnostic et PADD) aurait été trop long au regard de celui consacré à la phase la plus concrète qui s’annonce désormais.

Le point commun à ces critiques est au fond l’idée, par ailleurs entretenue dans quelques reportages ou articles de presse, que la démarche participative mobiliserait à Saillans bien davantage que dans d’autres communes, ce qui est une évidence, mais qu’elle ne déborderait pas beaucoup d’une certaine forme d’« entre soi », qu’elle ne parviendrait pas à intéresser les catégories de la population qui ne partagent pas spontanément les orientations de la municipalité .

Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la pertinence de ces critiques. L’évaluation des choix de départ sera faite en fin de procédure et elle relève aussi des fonctions de l’Observatoire de la participation.

Sur le premier point, on pourrait objecter à juste titre que les membres tirés au sort sont en contact régulier dans leur vie ordinaire avec leurs concitoyens et qu’ils peuvent donc en recueillir les opinions.
On noterait tout aussi facilement que le très grand nombre et la diversité des modes de participation n’ont écarté a priori personne et qu’au contraire l’expression de tous depuis le lancement du processus a été largement facilitée, des initiatives « ciblées» ayant même été prises par exemple en direction des jeunes ou des agriculteurs.

Il ne m’apparaitrait cependant pas scandaleux de faire droit à la seconde observation critique pour la phase à venir et que se tiennent d’ici la fin du processus au moins deux réunions convoquant tous les habitants et portant sur le document dans sa globalité : pourraient y être présentés de façon précise et pédagogique les documents relativement stabilisés et notamment des cartes, dès qu’elles auront fait l’objet de décisions du Groupe de Pilotage Citoyen. Ayant en la matière une certaine expérience, je vous propose mes services pour coanimer la seconde de ces réunions, celle qui serait la plus proche dans la procédure de l’adoption du document par votre conseil.

– Sur le contenu du projet, le garant qui est neutre n’intervient jamais. Mon intervention ne porte donc jamais sur le fond mais sur les conditions nécessaires à une bonne dynamique des échanges.

On s’accorde pour dire qu’un des points en général fortement disputé dans les révisions de PLU concerne l’affectation des surfaces et notamment la qualité et la quantité des surfaces ouvertes à la construction ou à l’urbanisation. Cette question joue fortement sur les ambitions qu’une commune peut avoir en termes d’accueil de nouvelles populations.
L’insistance est aujourd’hui mise fortement dans toutes les communes sur la nécessité de réduire le gaspillage d’espaces, la consommation de terres agricoles ou les atteintes portées aux paysages ou au patrimoine naturel. Saillans échappe d’autant moins à ces problématiques que la loi montagne et les dispositions particulières liées à la gestion des cours d’eau lui imposent des contraintes supplémentaires.

Un angle mort de la concertation en cours m’apparaît à cet égard être les marges de manœuvre dont dispose (ou ne dispose pas) la municipalité de Saillans pour prendre des décisions, au regard de la façon dont les services déconcentrés de l’Etat interprètent la loi et la réglementation à ces sujets. Au fond, quelles sont réellement les contraintes et les choix possibles de votre commune ?

Je vous propose qu’un courrier commun du Maire et du Garant interroge rapidement sur ce point Monsieur le Préfet de la Drôme et que ses services soient invités à présenter devant les habitants leur position sur ces sujets.

De la même façon, la question de la place sur le territoire de Saillans des entreprises créatrices de richesses et facteur d’attractivité est un élément important de l’élaboration du PLU : quel foncier pour cela ? Faut-il par exemple étendre la zone artisanale? Même interrogation quant au tourisme.

Là encore, comment chaque commune de l’intercommunalité et ses habitants vont-ils contribuer à l’effort de tous pour favoriser un bon usage de l’espace, bien répartir l’activité économique et les formes les plus vertueuses de tourisme ? Quel partage des avantages et des charges ?

Les réponses à ces interrogations sont largement dépendantes de la stratégie de l’intercommunalité à laquelle appartient Saillans et qui en détient d’ailleurs la compétence. Les responsables de cette intercommunalité et des intercommunalités voisines devraient à mon sens être sollicités pour venir éclairer les habitants.

Monsieur le Maire,

Comme vous le pratiquez à Saillans, je vous prie de bien vouloir rendre publiques mes remarques sur le site de la commune, de façon à ce que les habitants en aient connaissance et le cas échéant puissent m’interpeller. .

Je vous serais reconnaissant de me donner par les canaux que vous souhaiterez votre réaction à ces remarques et les suites que vous entendez leur donner.

Veuillez recevoir mes salutations les plus respectueuses

Jacques Archimbaud
Garant

Copie à Madame Chantal Jouanno, Présidente de la CNDP.